lundi 23 janvier 2012

"House of Lies" : la leçon de management (pour la leçon de télé, faudra repasser)

Le pitch : Consultant en finance et management auprès de grandes entreprises (mais aussi frimeur triple A et coureur de jupons), Marty Kaan dispense de multiples conseils aux puissants qui veulent le rester malgré la crise. Une discipline dans laquelle il excelle et qu'il mène de front avec l'éducation de son fils. Ceci alors que son ex-femme (et principal concurrent dans son job) n'en a pas vraiment grand'chose à faire...

Découvrir une nouvelle série de Showtime, c'est un petit peu comme faire de la plongée avec un slip en plomb. Si vous avez de la chance (Dexter, Homeland), l'aventure sera pleine de surprises. Par contre, si vous êtes dans un mauvais jour, ça risque de vous fatiguer assez vite (Weeds, Nurse Jackie un peu, aussi).

La petite dernière s'appelle House of Lies et, Ô joie, elle marque le retour de l'impeccable Don Cheadle (Picket Fences, la saison 9 d'Urgences et dans plusieurs films de Soderbergh) dans une série. Je n'avais pas entendu parler de ce projet avant la diffusion du pilote aux USA, mais coup sur coup, j'ai parcouru deux présentations (très) contradictoires qui ont attiré mon attention.

Des avis contradictoires

D'un côté, un article de Jéjé de pErDUSA. De l'autre une chronique de Pierre Langlais, plume que l'on peut lire chez Télérama et sur le blog Tête de séries (mais aussi très actif sur France Inter et dans l'émission Saison 1, Episode 1 à écouter sur Le Mouv' 1). Le premier déplore dans sa review un "festival de gimmicks", et parle d'une série "complaisante et médiocre". Le second évoque "une comédie explosive", "une réussite", "rythmée, drôle, originale, un peu excessive mais extrêmement agréable à suivre".

Forcément, ça donne envie de savoir de quoi il retourne. Et de se faire son opinion.

Petit coup d'oeil sur la fiche technique : on doit House of Lies à Matthew Carnahan (2), qui n'avait plus fait parler de lui depuis l'annulation de Dirt. Ce qui était plutôt une bonne nouvelle parce qu'en matière de ratage, ce show se posait là. Vain, vulgaire, creux comme c'est pas permis... j'avais rarement vu un truc aussi suffisant dans l'insuffisance.

Mais tant pis/tant mieux : comme on disait du bien de House of Lies, que je ne suis pas (trop) un garçon obtu et que j'aime bien qu'on me surprenne (et qu'il y avait, je le redis, Don Cheadle), j'ai plongé dans l'aventure. Avec mon slip en plomb.

Et j'ai bu la tasse.

La théorie du mille-feuilles

Tout n'est cependant pas à jeter. Personnellement, contrairement à Jéjé, j'ai plutôt aimé l'intro (qui est du 100% Showtime: on aime ou pas). Et j'ai constaté, comme Pierre Langlais et avec plaisir, que Cheadle avait toujours un petit truc en plus. J'ai aussi aimé la scène dans laquelle l'effeuilleuse qui finit une soirée avec Marty se prend au jeu et se fait passer pour sa femme.

J'ai également apprécié celle où le héros défend bec et ongles son fils devant la directrice de son école, alors que le rejeton auditionne pour le premier rôle... féminin d'une comédie musicale. Les arrêts sur images, les regards caméra ne m'ont pas gêné: je trouve même que ça fonctionnait assez bien. C'était enfin agréable de revoir Kristen Bell (Veronica Mars) même si son rôle est restreint pour ce premier épisode.

Le problème, c'est tout le reste. Le problème, c'est Matthew Carnahan. Encore.

Ce garçon a un vrai gros souci : il ne sait pas raconter une histoire. On pourrait croire qu'il sait pondre un script rythmé, parce que, c'est vrai, il se passe beaucoup de choses dans son pilote.

Mais en fait, ce n'est pas un scénariste. C'est un pâtissier industriel.

Carnahan, c'est le roi du mille-feuilles narratif. Sa recette? On superpose des couches de storylines, on y ajoute une crème bien épaisse à base de scènes "audacieuses" et on vous fourre le tout dans la gorge. Bien profondément.

La coolitude, ça ne se décrète pas en glissant un billet dans un string

Sauf qu'écrire une histoire, ce n'est pas ça. Pour que les scènes phares de cet épisode fonctionnent, il aurait fallu qu'elles servent un propos mieux structuré. Le coeur du sujet pourrait être tout le côté "consultant pour gens fortunés qui s'engraissent sur le dos des pauvres", or, c'est suggéré avec beaucoup trop de maladresse. Dommage : c'est un atout en or pour développer des personnages complexes. Une étape cruciale que ce pilote foire dans les grandes largeurs, en se perdant dans des "scènes pretexte".

En fait, il y a dans House of Lies, comme dans Dirt, un refus de la psychologie qui est assez effarant. Pour l'auteur, caractériser un héros, cela passe par une série de scènes hautes en couleur qui doivent permettre d'entrer dans sa tête. Apparemment, plus on lui fait faire des trucs déjantés, plus sa coolitude sera évidente.




De la fausse audace à la vraie vulgarité

Et si vous n'êtes pas convaincu, il y a la botte secrète: la scène où le personnage principal saisit furtivement la vacuité de son existence - scène qui arrive n'importe comment, comme un paquet d'autres choses "fun" dans ce gloubi boulga narratif. La démonstration est alors lourde au possible. L'objectif: vous faire comprendre que oui, on vous le jure, Marty Kaan est un garçon complexe.

Tout le problème, il est là : Carnahan n'est pas un garçon dénué d'imagination mais il n'a aucun sens de la subtilité. Il est un peu comme votre cousin Cédric qui, dès qu'il fait un trait d'esprit, vous donne un vilain coup de coude dans les côtes avant de vous dire "eh, t'as vu, j'ai fait une blague/une vacherie. C'était bien hein?"

Non, Matthew: ça n'est pas bien. Ce n'est pas "audacieux". Ni "Cool". C'est vulgaire. C'est raté. Et c'est dommage. Sans guillemets.

Bien à vous,
Benny

(1): La dernière en date, consacrée à l'arrivée de la série française Les Hommes de l'Ombre, était vachement bien: elle est écoutable sur le site de la radio.

(2): A ne pas confondre avec Joe Carnahan, le réalisateur de Narc et Mi$e à Prix. Surtout pas.

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