mardi 29 janvier 2008

"... et voilà" (ou comment il est très simple d'avoir l'air très idiot)


Ce coup-là, j'avoue : je ne l'ai pas vu venir. Pas du tout. C'était la semaine dernière : j'assistais à une rencontre publique avec des responsables d'asso et des candidats aux municipales. Une rencontre intéressante, quoiqu'un peu longue (deux heures, quand on est tout malade, ça peut paraître une éternité) et qui m'a permis de présenter le nouveau projet de mon entreprise - sur lequel je bosse depuis septembre - à des tas de gens qu'il est censé intéresser.
Pour vous planter le décor, la présentation du projet, je commence à la maîtriser sur le bout des doigts. Depuis le début d'année, j'enchaîne les descriptions à des stagiaires, à des patrons de bars, à des patrons de boîtes, à des potes... j'en suis au stade où je pourrais le faire à l'envers en chantant sur la musique d'Un homme pressé. Ou presque.
Et il y a eu ce soir-là.
Il y eut cette fille.
Une demoiselle brune, avec de très jolis yeux brillants derrière une paire de lunettes fines. Une fille bien habillée, plutôt sophistiquée, souriante. Rien de quoi me faire partir en courant et en brâmant comme un adolescent ravagé par les hormones, a priori.
Quoi qu'il en soit, je commence mon laïus et ma description du "bébé". Et vas-y : conviction, explications fournies, regard droit dans les yeux... Je ne suis absolument pas commercial dans l'âme mais quand il s'agit de défendre quelque chose en quoi je crois, je n'hésite pas, je fonce.
"Je suis/Un homme pressé/ Un homme pressé..."
Enthousiasme, volonté d'impliquer le public. En gros, sans le dire, "First be the best, then be the first" (Cette phrase n'est pas de Nicolas Sarkozy, mais de Kevin Reilly).
"Un homme pressé/ Un homme pressé..."
Sauf que là, son regard se plante dans le mien et que mes yeux ne la lâchent plus. Jusqu'à ce que je perde le fil de mon propos. Complètement.
"Un homme p...". Et merde.
Pourquoi ? Je sais pas. Comment ? ah-ah ! Si je savais... Ce que je sais en revanche, c'est que j'ignorais où j'en étais. Je sais pas du tout où je me suis arrêté, mais après un silence qui fut pour moi in-ter-mi-nable, j'ai lâché cette réplique culte "... et voilà".
Note artistique : 4,8. Note technique : 5,2. Avec les applaudissements complaisants du jury.
C'est parfaitement idiot quand on va avoir 30 ans, mais que voulez-vous : quand on a été longtemps très timide et que l'on se bouge enfin, on se retrouve parfois confronté à des situations assez marrantes, destabilisantes certes mais en définitive très agréables. Finalement, je m'en suis pas trop mal sorti, je crois.
Avec ma chance, elle est mariée ou bipolaire ou lesbienne (ou les trois à la fois). Ou peut-être que c'est le genre de femmes qui s'endort les yeux ouverts... De toute façon, je ne tarderai pas à le savoir : je devrais la recroiser cette semaine. J'ai peut-être l'air d'une suave saucisse, il n'empêche : en y repensant, c'était un joli moment. Un moment marrant.
"Un homme presssééé-ééé..."

Ce que j'ai appris de tout ça ? Que je dois travailler ma mémoire. Parce que j'espère vraiment que je n'ai pas arrêté mon speech sur un pronom relatif esseulé, genre "que...". Je croise aussi les doigts en espérant qu'ils n'étaient pas trop nombreux à m'écouter en plus d'elle à ce moment-là... "Et voilà".

Bien à vous,
Benny

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